Assemblée annuelle du SIDIIEF 2013 – Libreville, Gabon

14 mai 2013

Gabon 2013

-De gauche à droite: le secrétaire générale du minstère de la santé, M. Ossongo, moi, le ministre de la santé du Gabon, le professeur Léon Nzouba, Ruth Akatcherian du Liban et Miguel Lardennois de la Belgique
-Photo en compagnie d'une infirmière portant le T-shirt du SIDIIEF et Mme Ondo, directrice de l'INFASS

Allocution d’ouverture de l’assemblée annuelle du SIDIIEF, Libreville, Gabon
7 mai 2013
Monsieur le ministre de la santé,
Madame la présidente de l’Association nationale gabonaise des infirmières diplômées et des étudiants (ANGIDE)
Mesdames et messieurs,

Au nom du conseil d’administration du SIDIIEF, permettez-moi d’entrée de jeu de remercier le président de la république pour le parrainage de cet événement et vous, monsieur le ministre, pour votre présence aujourd’hui. La tenue de l’Assemblée annuelle du SIDIIEF à Libreville constitue une occasion inespérée de pouvoir rencontrer nos collègues gabonais et de réfléchir tous ensembles sur des défis professionnels d’actualité. Toutes les rencontres qui sont au programme seront d’une grande richesse de contenu, mais surtout, permettront de tisser des liens amicaux, sans doute inoubliables.

Le SIDIIEF : une vision, des valeurs.

Le SIDIIEF est un jeune organisme, issu d’un rêve : celui pouvoir constituer une grande communauté infirmière de langue française. En 2000, les organismes fondateurs, à savoir l’ordre infirmier du Québec et la Haute École de santé La Source de Lausanne ont décidé de lancer une association du 21ème siècle. C’était notre projet du millénaire !
Par la suite, plusieurs organismes sont devenus des promoteurs de notre mission.

C’était un rêve ambitieux….et original. À l’heure de la mondialisation, à l’ère du numérique, on ne peut chacun dans son coin, tout réinventer et nous avions la conviction profonde que le savoir infirmier, les meilleurs pratiques, les résultats de recherche en sciences infirmières devaient être partagés et largement diffusés en langue française.

La mondialisation consacre la prévalence de l’anglais et nous ne pouvions nous résoudre à renoncer à la langue française pour communiquer avec nos pairs au plan international. En obtenant la reconnaissance d’ONG dotée du statut consultatif auprès de l’OIF, le SIDIIEF voyait consacrée en quelque sorte sa légitimité.

Nous avons adopté une charte de valeurs et que vous pouvez trouver en ligne. Ces valeurs guident notre planification stratégique. Des valeurs pour soutenir notre mission :
humanisation des soins
excellence de la pratique clinique
engagement sociétal
mise en valeur de la contribution infirmière
solidarité professionnelle
équité dans l’accès à la formation et la recherche
partenariat interprofessionnel
usage de la langue française

Notre organisme se distingue des autres associations internationales, en ce que nous avons plusieurs catégories de membres, incluant des membres individuels. Le dialogue et la collaboration nord-sud font partie de nos valeurs et de notre mission, malgré nos très modestes moyens. Je rappelle que l’organisme est entièrement financé par ses membres et par les profits de ses congrès triennaux.

Le SIDIIEF a parcouru beaucoup de chemin depuis sa création…. Cela nous a menés vers vous. Nous voilà, aujourd’hui, à Libreville, tout heureux de pouvoir ensemble se concerter face aux grands défis de santé de nos populations.

Qu’en est-il des enjeux mondiaux dans le domaine de la santé ?

Le SIDIIEF appuie les efforts internationaux pour l’atteinte des Objectifs du millénaire de l’ONU pour le développement et adhère aux recommandations de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l’OMS (2008) ayant trait à l’importance de réduire les inégalités en santé afin de promouvoir l’équité et la justice sociale.

Nous avons priorisé la santé des femmes et diffusé une prise de position à ce sujet. Cet enjeu nous tient à cœur. D’autant que l’on pense que les infirmières et sages-femmes peuvent faire toute la différence pour réduire la mortalité périnatale. Nous avons participé aux travaux Millenia de l’UNESCO qui dénonçait la violence faite aux femmes dans le monde. Nous avons d’ailleurs réussi à obtenir des fonds pour mener un projet en RDC pour la formation continue d’infirmières accoucheuses à Kinshasa. Malgré le succès de cette initiative de terrain, les sources de fonds se sont taries et nous n’avons pu élargir ou répéter cette expérience ailleurs. Je signale que le SIDIIEF a été invité à prendre position auprès d’autres organismes internationaux dans le collectif « L’excision, parlons-en » contre toute mutilation génitale faite aux femmes. Cette prise de position sera rendue publique au cours des prochaines semaines.

Tous les pays du nord comme du sud se demandent comment faire face aux défis de santé. On ne se cachera pas la réalité. Il y a des inégalités inouïes entre les nations dans l’accès aux soins, l’accès aux médicaments et l’accès à un personnel soignant qualifié. Ce clivage entre les nations est le fruit d’une dynamique économique mondiale maintes fois dénoncées et à laquelle la profession infirmière ne peut rester indifférente. C’est pourquoi le SIDIIEF à l’instar du Conseil international des infirmières (CII) fait entendre sa voix pour que les gouvernements fassent les bons choix politiques en matière de santé et de réduction des inégalités sociales.

Donc, nous avons d’un côté, les pays riches qui croulent sous l’épidémie des maladies chroniques et qui ont de moins en moins les moyens de faire fonctionner leur système de santé centré sur la fréquentation des grands hôpitaux.  De l’autre côté, se trouvent les pays en voie de développement qui sont confrontés à la prévalence des maladies infectieuses (paludisme, tuberculose, maladies diarrhéiques, VIH-sida…) et qui présentent une faible espérance de vie et dont le manque de moyens financiers ne permet pas toujours de faire les investissements de base dans le réseau sanitaire dont un nombre suffisant d’infirmières et d’infirmiers.

Dans les deux cas, l’argent est le nerf de la guerre. Il y a le niveau des investissements et la façon dont se dépense l’argent. Presque partout dans le monde, le modèle hospitalo-centrique est critiqué : trop coûteux, pas efficace et pire…non sécuritaire ! Le meilleur investissement restera toujours celui des approches de santé publique à caractère préventif.

Les maladies chroniques sont considérées comme la nouvelle épidémie mondiale. Dans un rapport récent de l’OMS1, les quatre maladies chroniques (les maladies cardio-vasculaires, les cancers, les maladies respiratoires et le diabète) constituaient 60 % des décès mondiaux dont 80% en provenance des pays à faible et moyen revenu. Ces décès touchent des personnes de moins de 60 ans. Donc, les pays en émergence se voient amputés d’une force de travail importante pour leur développement. L’OMS estime qu’investir dans la prévention et le suivi de proximité des malades chroniques est très profitable. Un investissement d’un dollars US par personne dans les pays en voie de développement serait jugé suffisant.

Dans tous les cas de figure, la formation du personnel soignant est au cœur des stratégies. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres organismes internationaux interpellent les états afin qu’ils investissent dans la formation du corps infirmier et qu’ils élargissent son champs de pratique. Un corps infirmier bien formé au niveau universitaire et dont l’utilisation des compétences est optimale que ce soit en soins spécialisés ou en soins de santé primaires peut s’avérer un levier de développement important pour un pays.

Renouveler la pratique infirmière

Les médecins et les infirmières représentent les deux professions sur lesquelles repose le système de santé d’un pays. Il est clair qu’en période de pénurie et de crise de finances publiques, il importe plus que jamais de redéfinir leurs modes de collaboration et créer des modèles innovants. Il faut passer du modèle d’assistant ou d’exécutant à celui de participant ! Dans la plupart des pays, le corps infirmier et sage-femme constitue plus de 50 % du personnel soignant. Donc, il faut mieux les former et mieux les utiliser.

J’ai cru comprendre que le Gabon, avec la création de l’INFASS (Institut national de formation sanitaire et sociale) veut relever le défi de la formation universitaire. Je tiens à vous féliciter car vous êtes à l’avant-garde des pays africains francophones en instaurant un programme de licence et même de master qui permettront de renouveler le corps enseignant et développer des infirmiers cliniciens. Les pays du Commonwealth et hispanophones ont pris ce virage depuis longtemps. En Europe, la France a introduit la licence en 2011.

Élargissement de rôles et formation universitaire vont de pair avec de meilleurs services de santé. D’ailleurs, le gouvernement du Royaume -Uni, dès 2003, préconisait l’abandon des rôles traditionnels dans une grande réforme intitulée « Libérer les talents. »

Selon le professeur Damien Contandriopoulos de l’Université de Montréal, « l’étude des caractéristiques des systèmes de santé les plus performants dans le monde montre qu’une grande partie de la solution se trouve dans la création de structure de soins de première ligne forte…..c’est finalement de repenser les soins de première ligne, non pas comme une branche de la médecine, mais comme une pratique clinique, multidisciplinaire par nature, où les compétences de chacun des professionnels se complètent plutôt que de s’additionner. »

Dans le modèle traditionnel, après un entrainement de base, la pratique infirmière est vue comme un métier technique qui ne demande ni réflexion, ni initiative, ni évolution. Or, les pays les plus innovateurs centrent la formation universitaire sur le développement d’infirmières cliniciennes capables de jugement clinique et d’initiatives. Cette formation peut servir d’assise à des réformes importantes d’une part, des soins et services de santé primaire et d’autre part, du développement de pratique dite avancée (plus spécialisée).

Pour que la population fasse confiance aux services de de première ligne, il faut qu’elle ait confiance aux compétences des soignants. En matière de prévention, d’éducation thérapeutique, d’enseignement des auto-soins, de suivi d’une maladie chronique, l’infirmière ou l’infirmier bien formé pourra élaborer des protocoles de soins ou des programmes mieux adaptés à la culture locale. Et elle deviendra une personne-ressource admirée et respectée.

Vous savez j’ai connu le modèle traditionnel (à cause de mon âge). Au Québec, grâce aux CLSC (centres locaux de services communautaires) , en sortant l’infirmière de l’hôpital, les infirmières ont pu développer des services communautaires et de soins de santé primaire très appréciés de la population québécoise.

La formation fait la richesse d’un pays. Je ne veux pas faire l’apologie d’un pays des Caraibes qui repose sur une dictature, mais j’ai eu l’occasion d’aller à deux congrès à CUBA et de visiter les établissements sanitaires. Les établissements sont passablement désuets, mais on ne lésine pas sur la formation des infirmières et des médecins et sur le déploiement de politiques de santé publiques. C’est un pays qui a des indicateurs de longévité et de morbidité comparable aux pays riches.

Quel cadre légal faut-il à la profession d’infirmière ou de sage-femme?

Que fait un infirmier, une infirmière ou une sage-femme ? Comment juger de la performance, de l’efficacité de ces deux professions…. si on n’a pas déterminé le cadre légal de leur pratique ? Comment engager la responsabilité personnelle et professionnelle du soignant face à la population ? Comment forcer de hauts standards de pratique ? Comment faire en sorte que les attentes de la population envers le personnel soignant soient claires ? Comment protéger la population des professionnels incompétents ? Comment empêcher que des autodidactes ses disent infirmier ou infirmières ? Il faut au minimum protéger le titre.

Au plan international, la profession infirmière est considérée comme une profession réglementée, comme la médecine, la pharmacie ou la pratique sage-femme. Chaque pays établit le cadre légal d’exercice en lien avec la formation et cela devient la base de comparaison pour la mobilité mondiale, mais aussi comprendre la nature de l’exercice infirmier dans un pays. En fait, la loi sur la profession infirmière d’un pays établit l’identité institutionnelle. Ce cadre légal lui donne aussi un caractère universel tout en étant adapté au contexte du pays.

La profession infirmière de nos jours est devenue tellement complexe que les médecins dans la plupart des pays préfèrent ne pas être tenus responsables des actes infirmiers.
Dans un pays, il ne peut pas y avoir autant de modalités de pratique infirmière qu’il y a de villages. La profession ne peut être abandonnée à des administrations plus ou moins compétentes. C’est à l’état de décider. Cela est aussi avantageux pour le pays parce que le cadre légal énonce le cœur de pratique et mais identifie également une contrepartie, c’est –à-dire des devoirs et des responsabilités pour les infirmières et infirmiers.

Ces énoncés exclusifs aux infirmières guident les programmes de formation, mais aussi, crée l’obligation de compétence pour l’infirmière. Le cadre réglementaire précise dans un Code de déontologie aussi les comportements susceptibles de faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Vous pouvez retrouver en ligne le cadre légal québécois qui précise la liste des activités réservées aux infirmières au Québec.2

Pourquoi un ordre infirmier ?

J’ai été présidente de l’ordre infirmier du Québec pendant 20 ans et on me demande toujours de parler de l’importance d’avoir un ordre. Le modèle du Québec s’inspire de l’Angleterre. L’ordre a été créé en 1917. C’est un organisme presque centenaire, dont le mérite n’est plus à démontrer. Aucun ministre de la santé ne voudrait aujourd’hui au Québec s’en passer. L’ordre infirmier a même, conjointement avec le Collège des médecins, procédé à des enquêtes de qualité (suite à certains incidents dans des hôpitaux)

Curieusement, dans les pays où il n’y a pas d’ordre infirmier, ce sont habituellement les syndicats qui s’élèvent contre la création d’un ordre. L’expérience française est à cet égard assez éloquente. Pourtant la mission d’un ordre centré sur la protection du public ne doit jamais empiéter sur celle des syndicats qui défendent les conditions de travail.

Le précédent ministre gabonais de la santé est venu en mission au Québec et avait rencontré des représentants de l’ordre. Je ne sais pas où vous en êtres dans ce dossier. Dans les pays comme le vôtre, les infirmières et infirmiers souvent considèrent la création d’un ordre comme la « consécration » ultime de la profession. Mon opinion est que ce n’est pas une fin en soi mais un levier pour améliorer la pratique des soins infirmiers et une façon de responsabiliser la profession face à l’état et la population. Le chemin est parsemé d’embuches. L’expérience du Liban est un exemple réussi de la création récente d’un ordre. Le Burkina Faso également.

La création d’un ordre permet de fédérer la profession au plan national et la délégation de pouvoirs à cet ordre (telle l’inscription obligatoire, la discipline,…) témoigne de la maturité professionnelle, voire de l’émancipation de la profession. Ce n’est pas rien. La profession hissée au rang d’interlocuteur de l’état en matière de politiques de santé peut apporter éclairage et soutien dans les réformes. Les gouvernements sont confrontés à de très puissants lobbys qui ne vont pas toujours dans le sens de l’intérêt public. Entendre la voix des infirmières et des sages-femmes peut s’avérer réconfortant pour la population. Personnellement, à travers les années, j’ai connu beaucoup de ministres de la santé de différents partis. La présidence de l’ordre est une fonction neutre, apolitique.

Développement des compétences

La formation continue est un enjeu d’importance dans le domaine de la santé. On sait tous à quel point les connaissances évoluent rapidement. Le colloque qui commencera après l’assemblée annuelle par son succès de participation démontre combien les infirmières et infirmiers ont à cœur de maintenir leurs compétences à jour.

Le SIDIIEF a tenu en mars une visio-conférence internationale dans le domaine des soins psychiatriques (pour le continent africain, le Burkina Faso participait). Grace aux nouvelles technologies, nous espérons répéter cette initiative. Nous entendons également mettre de l’avant des « webinaires », une forme de séminaire sur le web donné par un expert-clinique. J’espère que nous pourrons dans le futur pouvoir compter sur la participation d’infirmières et infirmiers du Gabon.

J’en profite aussi pour signaler que dans deux ans, en 2015, le congrès triennal aura lieu à Montréal. Le SIDIIEF tente à tous ses congrès d’obtenir des commandites (le soutien de sponsors) pour favoriser la participation d’infirmières du sud. Je ne vous cacherai pas que c’est très difficile, c’est pourquoi je profite de la présence de monsieur le ministre pour que l’état gabonais prévoit un programme de bourses pour participer à ce congrès exceptionnel.

Conclusion

Encore une fois, en conclusion, je vous remercie pour votre accueil. Nous avons la chance exceptionnelle de nous retrouver dans le cadre de ce colloque dont le programme a été élaboré en partenariat avec l’ANGIDE.

Je nous souhaite un dialogue et des échanges des plus fructueux.


1 – World Health Organization, 2012, Enhancing Nursing and Midwifery Capacity to Contribute to the Prevention, Treatment and Management of Non-communicable Diseases in practice: policy, and advocacy, research and education.
2 – www.oiiq.org

Catégorie(s): SIDIIEF

Commentaire(s) (3)

Trackback URL | Commentaire(s) RSS Feed

  1. nzeng espérance dit :

    l’assemblée annuel du sidiief a LBV réussite totale BINGO

  2. constant bouyangha dit :

    excellente réussite pour l’organisation de l’assemblée generale annuelle du sidiief au GABON … BINGO !!!

    Constant bouyangha ,Sg ANGIDE pog

    • Gyslaine Desrosiers dit :

      Je constate que le tirage de prix de présence accompagné de l’expression québécoise BINGO laissera un souvenir indélébile.

Back to Top