La réforme sous le signe de l’austérité

28 septembre 2016

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Source: Texte publié dans le magazine Le Point en santé et services sociaux,septembre 2016, volume 12, numéro 2, p 5.

«….le leadership n’est pas l’art d’imposer ses vues personnelles. C’est l’art de cerner les problèmes dans leur juste dimension, de réunir les acteurs concernés dans le dialogue, de faire apparaître les meilleures solutions compatibles avec les préférences de la société et d’avoir ensuite le génie de les appliquer. » Michel Venne, Le Devoir, 18 -19 août 2012, p. A-8.

La réforme du ministre Barette a réussi à faire l’unanimité contre elle : son fondement, sa vision, ses objectifs ont fait l’objet de critiques importantes.

Au cours de l’hiver et du printemps 2016, chaque semaine apporta un nouveau cri d’alarme. Citons notamment :

Suicide Action Montréal a dénoncé la perte de sa subvention annuelle,

-les psychoéducateurs pour les services en Centre Jeunesse,
-les travailleurs sociaux pour le transfert d’effectifs en GMF,
-les infirmières pour les soins aux aînés en CHSLD,
-les ergothérapeutes et les hygiénistes dentaires pour les services aux personnes âgées,
-Me Jean-Pierre Ménard pour les droits des patients,
-l’ex-sous-ministre Paul Lamarche pour l’orientation à contre-courant des évidences scientifiques,
-un patient pour la restriction des bains en soins de longue durée,
-l’IRIS pour l’illusion du financement à l’activité,
-la CSQ et la CSN pour la privatisation « tranquille »,
-la FIQ pour soutenir la clinique SABSA

Henry Mintzberg, professeur de gestion reconnu internationalement, a commis un article dans Le Devoir du 24 février 2016. Il considère que « la réingénierie administrative » dans le réseau de la santé, en capitalisant sur des fusions régionales tous azimuts, «pourrait se révéler la plus destructrice de toutes ». Alain Dubuc dans La Presse du 4 juin 2016 a dénoncé l’autoritarisme du ministre et « sa vision traditionnaliste du système de santé. »

Cette liste n’est pas exhaustive. La rémunération des médecins a aussi fait souvent les manchettes. Le ministre réagit en signifiant que le corporatisme nourrit cette grogne. Un dialogue de sourds s’est installé.

Le ministre Gaétan Barette demande un acte de foi envers sa réforme. Qui a tort ? Qui a raison ? La confiance de la population commence à s’effriter : des patients qui réclament des soins d’hygiène, tels les bains ou qui paient au noir pour en avoir, cela devient un enjeu facile à comprendre. Le respect des personnes vulnérables et la dignité humaine ne sont pas négociables.

Depuis des années, on explique à la population que la seule façon de mesurer le succès du système de santé est l’accès à un médecin généraliste et le temps d’attente dans un service d’urgence. Elle attend encore que la promesse se réalise. Aujourd’hui, alors que le modèle communautaire permettant l’accès à des professionnels diversifiés serait le plus adapté au défi des maladies chroniques, il ne reste plus en première ligne qu’un réseau de cliniques médicales. La prochaine étape ? Le ministre évoque la venue de «méga-cliniques ». Seuls les services médicaux échappent au tsunami budgétaire: en effet, ils bénéficient d’une enveloppe budgétaire indépendante et protégée. L’expérience de la clinique communautaire SABSA de Québec présentée dans ce numéro qui répond aux besoins de clientèles atypiques et vulnérables ne trouve pas grâce aux yeux du ministre.

Dans ce numéro, Patricia Gauthier, pdg du CIUSSS de l’Estrie présente ses efforts pour faire émerger une nouvelle culture organisationnelle. Il faut souligner l’intérêt d’un tel témoignage ainsi que l’article universitaire sur le même sujet. Les gestionnaires doivent composer avec cette réforme : non seulement, plusieurs ont perdu leurs points de repère mais, tout en tentant d’établir de nouveaux canaux de communication, ils doivent « optimiser » les services, c’est-à-dire réaliser des cibles de redressement budgétaire. Alors que le ministre assure qu’aucun service à la population ne sera affecté, les gestionnaires doivent relever ce double défi.

Au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement annonce des compressions budgétaires en santé de 242 millions pour 2016-2017. L’austérité sera-t-elle source d’innovation ? On peut en douter. Souhaitons bon courage aux gestionnaires qui tenteront encore une fois de faire des miracles.

Catégorie(s): Éditorial

Commentaire(s) (1)

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  1. Claudette Émond dit :

    Bonjour, un bon article comme toujours madame Desrosiers, mais les enjeux sont toujours les mêmes. toujours moins d’argent en santé et une vision avec des œillères de la part de M. Barette. Une nouvelle structure en santé s’impose et on doit donner plus d’importance au rôle que peut jouer l’infirmière à tous les niveaux….

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