Financement des services de soins

Leadership infirmier et pouvoir d’influence

6 novembre 20149 Comments

OIIQ

Source : OIIQ, décembre 2012

Résumé:
Le leadership est un art, une science, une ambition. Il repose sur des qualités personnelles, sur des habiletés stratégiques et aussi sur la volonté de changer le cours des choses. Il  peut se manifester dans tous les postes cliniques exercés par un infirmier ou une infirmière. Le leadership collectif de la profession exige des habiletés macro-politiques au sein de groupes organisés.

Le leadership est associé en général à des qualités personnelles. Toutefois, on évoque de plus en plus qu’il s’agit aussi d’une compétence professionnelle. La littérature en management suggère aux grandes entreprises de repérer le potentiel de leadership de son personnel : les habiletés techniques et l’expertise dans son domaine, l’intelligence analytique et le jugement ainsi que l’intelligence émotionnelle. J’ajoute l’importance de la culture générale et des habiletés communicationnelles.

Vision, audace, courage et habiletés stratégiques

Le management dans le secteur de la santé cultive malheureusement trop souvent une culture d’entreprise très normative, rigide, hiérarchique et appuyée sur les règles. De façon générale, les entreprises à succès qui s’avèrent les plus satisfaisantes pour les employés présentent une culture basée sur la créativité, la participation, la valorisation de l’expertise et enfin, sur l’expérimentation. Rappelons une citation célèbre de Peter F. Drucker à l’effet que « Le management est l’art de bien faire les choses; le leadership est l’art de faire les bons choix »

Au sein de la profession infirmière, on valorise de plus en plus le leadership clinique qui implique non seulement des habiletés techniques et un sens éthique développé, mais également une capacité à innover et faire évoluer les pratiques de soins. Ce leadership innovant peut cohabiter avec la multidisciplinarité. Ainsi, l’infirmière ou l’infirmier leader conçoit son rôle de soignant au-delà du soin et ose proposer des changements de pratique, prendre la parole, prendre la défense de l’intérêt des patients, prendre sa place dans l’équipe interdisciplinaire et se définir comme un expert en soins. Le leadership infirmier peut se mesurer à sa zone d’influence passant de praticien expert et réflexif jusqu’à leader d’opinion et agent de transformation de la société.

Les prises de position publiques

Pour un impact à l’échelle systémique ou territoriale, il faut investir les lieux de pouvoir ou d’influence, à l’interne de sa profession mais aussi à l’extérieur. Ces lieux internes, tel le CECII, tels les ordres régionaux, telles les associations professionnelles sont des forums pour faire bouger les choses. Outre l’Ordre et les syndicats, il existe plusieurs dizaines d’associations d’infirmières au Québec, la plupart méconnues. Leurs points de vue sur les politiques de santé, même si cela concerne un secteur en particulier telle l’oncologie, par exemple, seraient très intéressants à entendre. Malheureusement, ces associations ont peu de moyens.

Au Québec, dans un contexte de coupure de programmes et de renouvellement des conventions collectives, la voix syndicale sera sans doute la plus audible. Une voix syndicale forte, est-ce suffisant ? Un ordre infirmier d’envergure assure-t-il d’emblée un poids politique ? J’estime qu’il y a de la place pour des prises de position recentrées sur l’intérêt public, en guise d’exemple, Médecins québécois pour le régime public (MQRP) s’éloigne des positions corporatistes.

En dehors du réseau interne à la profession, il y a beaucoup de tribunes pour faire valoir une lecture originale des enjeux: blogues, lettre d’opinion, twitter, chambres de commerce, etc…Les regroupements de patients occupent de plus en plus l’espace public et la profession prendrait avantage à faire écho à leurs préoccupations. Les alliances stratégiques avec d’autres groupes ou professions peuvent constituer une force de frappe importante.

Il y a deux professions qui collectivement peuvent influer de façon significative sur le système de santé : les médecins et les infirmières. Les médecins possèdent notamment une autorité professionnelle indéniable confirmée par le Code des professions et par un monopole de marché concédé par le Régime d’assurance-maladie du Québec. Les infirmières sont le groupe professionnel le plus nombreux, présent dans tous les milieux avec une diversité de compétences, mais surtout, la profession a la confiance de la population avec une notoriété publique enviable. Le capital de sympathie s’avère un atout pour les jeux d’influence, mais ce n’est pas suffisant.

Le pouvoir des arguments économiques

Le contexte politique actuel au Québec où tous les programmes publics feront l’objet d’un examen s’avère une occasion pour faire valoir les solutions infirmières, notamment, dans le suivi des personnes présentant une maladie chronique et dans les soins de santé primaire. L’OIIQ et la FIQ tiennent ce discours. Pourquoi ces solutions infirmières tardent à trouver intérêt au niveau gouvernemental ?

Le nerf de la guerre demeure le mode de financement des activités cliniques au Québec qui fait en sorte qu’augmenter le nombre d’infirmières incluant les praticiennes est associé à une croissance des dépenses publiques. En effet, le partage des actes médicaux n’est jamais accompagné d’un transfert monétaire de la RAMQ aux établissements de santé qui doivent payer le salaire des infirmières mais qui n’ont pas à rémunérer les médecins. La volonté ministérielle d’introduire le financement à l’activité (forfait par diagnostic, par épisode de soins ou par procédure)en milieu hospitalier risque d’apporter des contraintes supplémentaires sur l’offre de soins infirmiers en établissant un standard de soins non-validé.

Conclusion

La profession infirmière peut-elle envisager une nouvelle posture sur la place publique ? Je rappelle que celle de victimisation est l’antithèse du leadership.Une culture professionnelle infirmière habile aux jeux de pouvoir, ouverte aux idées nouvelles et soutenue par une vision de société se consolide peu à peu.La maîtrise de l’argumentaire économique devient une qualité du leader d’aujourd’hui. De plus,les habiletés macro-politiques et médiatiques doivent maintenant être considérées comme des compétences professionnelles essentielles à l’émergence de leaders.

Les coupures de postes d’infirmières au CUSM

5 avril 20133 Comments

Les coupures de postes d’infirmières au CUSM ou l’art de s’enfoncer dans l’erreur

Tel qu’appréhendé par les infirmières du Centre hospitalier universitaire de l’université Mc Gill, La Presse annonce un plan de changement dans la structure de postes de l’hôpital universitaire : moins d’infirmières et plus d’infirmières-auxiliaires. Je rappelle qu’il s’agit d’un hôpital ultraspécialisé à la fine pointe du développement des sciences de la santé.

Couper le savoir-faire au chevet des malades, est-ce vraiment une solution d’avenir ? Le CUSM voulait suivre la trace des grands hôpitaux nord-américains, le voilà freiné ! Depuis plus de vingt ans, il avait une stratégie de recrutement très affirmée en faveur des infirmières de formation universitaire. Un hôpital de ce niveau ne devrait pas avoir moins de 60% d’infirmières universitaires, selon les standards américains. L’article indique une nouvelle cible de recrutement de 20% d’infirmières-auxiliaires. Remplaceront-elles les infirmières techniciennes (formées au Cegep) qui partent à la retraite ?

Les études internationales, particulièrement celles de Linda Aiken au États-Unis sur une large échelle, indiquent une relation directe entre le pourcentage d’infirmières qualifiées à l’université et la réduction des risques de mortalité lors d’une hospitalisation. Une augmentation de 10 % d’infirmières-bachelières correspond à une baisse de 5% du risque de décès. D’autres études très connues ont également fait un lien positif au niveau de la prévention des complications. D’ailleurs, l’enjeu actuel mis de l’avant par les experts est la sécurité des soins. Les complications génèrent des coûts directs et sociétaux importants. Ne faudrait-il pas creuser cette piste et permettre aux infirmières de réduire les incidents de soins ?

Au moment, où le Québec doit accentuer un virage de soins en ambulatoire, améliorer l’éducation thérapeutique et revoir la répartition de tâches entre les infirmières et les médecins pour améliorer la coordination des soins et le suivi des malades chroniques, ne pas investir dans la force professionnelle infirmière s’avère un contre-sens. Il est triste de constater que la gestion budgétaire des hôpitaux au Québec ne regarde jamais du côté des résultats de soins. Hélas, la notion coûts/bénéfices ne semble pas faire partie de l’arsenal de gestion hospitalière.


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http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201304/03/01-4637075-80-postes-dinfirmiere-supprimes-au-cusm.php

La santé aux USA, un marché économique sans cœur !

5 avril 20133 Comments

Heureusement qu’on reste au Canada, et on retourne se coucher ! Vraiment ? Il n’y a rien à craindre ? Le réseau public de soins est un trésor national dont la garde s’affaiblit insidieusement. Les services de santé font l’objet de toutes les convoitises. Le privé s’infiltre. Les difficultés du Québec à revoir les assises de son organisation de services et de s’attaquer au prix des médicaments laissent entrevoir des lendemains où ce fondement d’équité sociale pourrait s’effondrer.

Le magazine TIME du 4 mars dernier présente un dossier spécial qui mérite qu’on s’y attarde. Être poursuivi par l’hôpital pour défaut de paiement, mourir en faisant faillite, l’américain moyen fait non seulement face à la maladie mais également, se ruine exploité et même volé par les hôpitaux qui chargent des prix prohibitifs sans que le gouvernement ne réussisse à réglementer ce marché que je qualifierais d’escrocs en sarreau.

« Taken as a whole, these powerful institutions and the bills they churn out dominate the nation’s economy and put demands on taxpayers to a degree unequaled anywhere else on the earth.” p. 20.

Trois heures à l’urgence pour un problème de digestion et vous voilà avec une facture de 17,000.$ et une autre de 3,000$ pour les médecins. Une pilule d’acétominophène est facturée à 1.50$ alors qu’Amazon en vend 100 pour ce prix, un test de glycémie « accu-check » 18$ au lieu de .55cents chez Amazon, etc….Les hôpitaux américains ont une marge de profits moyenne de 26% ! Comme ils ne paient pas d’impôts, ils investissent dans l’équipement de pointe, l’immobilisation et…le salaire des dirigeants.

Le prix des médicaments prescrits aux USA est 50% plus élevés que les autres pays développés : un marché de 280 milliards. Que dire des tests de laboratoire inutiles estimés à 70 milliards. De 2002 à 2006, les quatre manufacturiers qui contrôlent environ 75 % du marché des prothèses de hanches et de genoux ont payé 800 millions de dollars à des médecins « dits consultants » dans le cadre de 6,500 contrats de consultation. 

Bref, après cette lecture un peu aride mais combien « épeurante », j’en ai conclu que cette dérèglementation du marché des soins de santé ne peut conduire à terme qu’à la catastrophe économique générale mais surtout conduire à une société sans foi, ni loi où l’exploitation des plus vulnérables est tolérée et encouragée. Restons vigilants sur nos acquis de société, la barbarie n’est jamais loin.


1
http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,2136864,00.html
« Why Medical Bills Are Killing Us ? » Steven Brill , March 4 2013, vol 181, no 8, pp.16-55.

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