Profession infirmière

La profession infirmière en soins communautaires: l’expérience du Québec

28 juillet 20220 Commentaire(s)

Résumé d’une conférence présentée à Pampelune, le 6 juin 2022

Les infirmières occupent une place centrale dans les services de santé primaire dans la plupart des pays. Dans les années 70, le Québec met de l’avant un réseau public de cliniques communautaires où les infirmières offrent des services variés. Ultérieurement, les infirmières ont initié un service téléphonique conseil 24/7: le service INFO-Santé. Cette relation directe avec toute la population a contribué à changer l’image publique de la profession.

L’année 2002 marqua un changement législatif majeur permettant un élargissement des activités infirmières telles que la prescription de la contraception, de la vaccination, des médicaments de soins de plaies, etc… L’introduction des infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne formées au 2ème cycle universitaire s’est concrétisée en 2005. En 2020, leur rôle fut accru.

Cette conférence exposera les enjeux et défis pour réussir à intéresser les autorités publiques, les médias et la population à compter sur des rôles infirmiers élargis en soins de santé primaire. L’argumentation politique doit s’appuyer sur des gains concrets pour la population. L’introduction des infirmières praticiennes exige également un plan financier d’investissements de la part du gouvernement. L’importance d’un consensus interne au sein de la profession sur la pratique avancée et d’une action médiatique structurée sera mise en évidence.

 

 

 

 

Quel futur post-pandémie pour la profession infirmière? Voir plus loin.

21 juillet 20220 Commentaire(s)

                                                                                                                                                               

Forum virtuel – SIDIIEF

Conférence d’ouverture, 7 juin 2021

Si nul ne sait avec précision à quoi ressemblera la post-pandémie, la profession infirmière se doit de comprendre la toile de fond politique et internationale actuelle, afin de tirer collectivement son épingle du jeu et prendre les décisions stratégiques qui influenceront l’avenir. Car, en étant une profession à impact systémique (impact sur tout le déploiement des services dans les systèmes de santé), avec plus de 28 millions d’infirmières et d’infirmiers dans le monde, nos décisions collectives influenceront sans conteste les systèmes de santé.

Déjà, cette profession connaît des changements structurants depuis les vingt dernières années, notamment :

  • La consolidation d’institutions pérennes (p. e. ordres professionnels infirmiers), véritables tremplins pour la profession;
  • Le développement de la discipline universitaire avec l’implantation croissante du système LMD (licence maîtrise doctorat), le déploiement des masters, doctorats et des chaires de recherche en sciences infirmières;
  • Le développement de la pratique avancée, avancée extraordinaire pour la profession qui démontre l’ampleur de la capacité d’agir des infirmières;
  • L’élargissement du cadre légal d’exercice (p. e. ouverture du décret en France)

Les deux versants de la crise

Comme pour chaque crise sanitaire, cette pandémie a mis en évidence les points faibles de nos systèmes de santé : manque d’équipements de protection, enjeux des soins gériatriques, santé mentale, capacité des soins intensifs, aggravation de la pénurie, etc.

De plus, les impacts sociétaux furent majeurs, comme l’isolement des personnes vulnérables pendant les périodes de confinement (personnes âgées, personne en situation d’itinérance, femmes en situation de violences conjugales, etc.). Beaucoup de malades sont décédés sans la présence de leurs proches. Les pays ressortent surendettés, donc probablement moins enclins à des améliorations financières d’envergure.

En contrepartie, la crise aura également permis certaines innovations et avancées, telles l’augmentation des services de télésanté et la collaboration interprofessionnelle, ainsi que l’avancée en technologie numérique. La recherche et le développement de vaccins anti-COVID se sont déployés en un temps record, bien que l’équité, face à l’accès au vaccin, demeure cruciale pour venir à bout de la pandémie.

Leaders infirmiers en action

Soutenus par une notoriété et un capital réputation accrus de la profession durant cette période, les associations et ordres infirmiers se sont mis en action, et ont projeté leur vision du futur. Ainsi, l’Association suisse des infirmières (ASI), dans une démarche de positionnement, a déclaré que les applaudissements ne suffisent plus et qu’il faut enrichir sur le cadre légal de la pratique. Son initiative Pour des soins infirmiers forts, lancée en 2017, prend de l’ampleur. L’Ordre des infirmier/es au Liban a été invité au comité national de suivi des mesures préventives et de suivi de lutte contre la COVID, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (Canada) a lancé les États généraux de la profession, l’Ordre national des infirmiers en France s’est impliqué dans le Ségur de la Santé, a œuvré pour l’autonomie infirmière lors de la vaccination et sera au cœur des travaux visant l’actualisation du décret infirmier.

La pénurie d’infirmières, talon d’Achille ?

Déjà ancrée dans chacun de nos pays, la pénurie infirmière s’est accentuée avec la pandémie (absences, maladies, démissions, concurrence internationale). Le Conseil international des infirmières (CII) a annoncé, en mars 2021, une pénurie infirmière mondiale qui s’aggravera de plusieurs millions d’individus, et qui sera exacerbée dans les pays du Sud.(https://www.icn.ch/sites/default/files/inline-files/ICN%20Policy%20Brief_Nurse%20Shortage%20and%20Retention_FR.pdf) La pénurie est devenue une préoccupation internationale majeure, car les pays ne pourront se relever adéquatement de la crise et envisager une reprise économique avec un système de santé fragilisé. Les organisations internationales, telles l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le CII, soulignent l’importance de former et d’impliquer les infirmières et les infirmiers, et d’investir dans une dotation adéquate de personnel infirmier.

https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/331674/9789240003354-fre.pdf

Cette pénurie pourrait-elle être l’occasion d’une revalorisation, comme on le ferait d’une denrée rare ? Déjà, plusieurs mesures nationales sont annoncées, d’où l’intérêt de faire preuve d’initiative, tout en prenant garde aux enjeux éthiques du recrutement international (tous les pays souffrent du manque d’infirmières et d’infirmiers).

Transformer le gain de notoriété en gains professionnels : les compétences clés

Au-delà des applaudissements, il faut une stratégie politique pour se servir de cette notoriété et de cette reconnaissance comme tremplin. Pour cela, la posture médiatique est importante. Veut-on être vues comme les victimes de la COVID ou comme celles qui se relèvent avec brio des défis de la COVID ? Si l’on veut gagner auprès des décideurs, il faut se tenir debout, faire connaître notre expertise et revendiquer.

  • Habiletés marketing

Face au pouvoir de l’image, notre profession doit être aguerrie aux règles du marketing, en maîtrisant son branding (l’image de marque de notre profession, ses valeurs clés) et en communiquant adéquatement sa contribution à l’offre de services en santé à la population (ce qu’elle peut apporter pour des services plus diversifiés, plus complets).

  • Habiletés politiques

Nos leaders associatifs et ordres nationaux doivent être sensibles aux priorités des dirigeants nationaux dans la période de sortie de crise. Comment la profession peut-elle faciliter l’accès et le maintien des services en soins intensifs, services d’urgences et blocs opératoires ? En répondant directement par des propositions ciblées et des solutions innovantes à ces problèmes spécifiques.

« Le leadership ne se réclame pas, il s’impose. » – Gyslaine Desrosiers

  • Recentrer le discours

Pour un discours d’intérêt public, crédible et cohérent, nous devons recentrer nos messages : partir du point de vue des patients et non pas de déclarations générales concernant nos conditions de travail. La population souhaite des services accessibles et améliorés. À nous de faire connaître en quoi notre profession améliore les services à la population et d’interpeler les gouvernements en ce sens.

Endosser publiquement des causes portant sur des enjeux sociétaux (mourir dans la dignité, lutter contre le racisme dans les soins, santé environnementale, etc.), démontrer et documenter le bénéfice de notre contribution, nous permettront ainsi d’avancer avec détermination et audace.

 

 

Leadership infirmier et pouvoir d’influence

6 novembre 20149 Comments

OIIQ

Source : OIIQ, décembre 2012

Résumé:
Le leadership est un art, une science, une ambition. Il repose sur des qualités personnelles, sur des habiletés stratégiques et aussi sur la volonté de changer le cours des choses. Il  peut se manifester dans tous les postes cliniques exercés par un infirmier ou une infirmière. Le leadership collectif de la profession exige des habiletés macro-politiques au sein de groupes organisés.

Le leadership est associé en général à des qualités personnelles. Toutefois, on évoque de plus en plus qu’il s’agit aussi d’une compétence professionnelle. La littérature en management suggère aux grandes entreprises de repérer le potentiel de leadership de son personnel : les habiletés techniques et l’expertise dans son domaine, l’intelligence analytique et le jugement ainsi que l’intelligence émotionnelle. J’ajoute l’importance de la culture générale et des habiletés communicationnelles.

Vision, audace, courage et habiletés stratégiques

Le management dans le secteur de la santé cultive malheureusement trop souvent une culture d’entreprise très normative, rigide, hiérarchique et appuyée sur les règles. De façon générale, les entreprises à succès qui s’avèrent les plus satisfaisantes pour les employés présentent une culture basée sur la créativité, la participation, la valorisation de l’expertise et enfin, sur l’expérimentation. Rappelons une citation célèbre de Peter F. Drucker à l’effet que « Le management est l’art de bien faire les choses; le leadership est l’art de faire les bons choix »

Au sein de la profession infirmière, on valorise de plus en plus le leadership clinique qui implique non seulement des habiletés techniques et un sens éthique développé, mais également une capacité à innover et faire évoluer les pratiques de soins. Ce leadership innovant peut cohabiter avec la multidisciplinarité. Ainsi, l’infirmière ou l’infirmier leader conçoit son rôle de soignant au-delà du soin et ose proposer des changements de pratique, prendre la parole, prendre la défense de l’intérêt des patients, prendre sa place dans l’équipe interdisciplinaire et se définir comme un expert en soins. Le leadership infirmier peut se mesurer à sa zone d’influence passant de praticien expert et réflexif jusqu’à leader d’opinion et agent de transformation de la société.

Les prises de position publiques

Pour un impact à l’échelle systémique ou territoriale, il faut investir les lieux de pouvoir ou d’influence, à l’interne de sa profession mais aussi à l’extérieur. Ces lieux internes, tel le CECII, tels les ordres régionaux, telles les associations professionnelles sont des forums pour faire bouger les choses. Outre l’Ordre et les syndicats, il existe plusieurs dizaines d’associations d’infirmières au Québec, la plupart méconnues. Leurs points de vue sur les politiques de santé, même si cela concerne un secteur en particulier telle l’oncologie, par exemple, seraient très intéressants à entendre. Malheureusement, ces associations ont peu de moyens.

Au Québec, dans un contexte de coupure de programmes et de renouvellement des conventions collectives, la voix syndicale sera sans doute la plus audible. Une voix syndicale forte, est-ce suffisant ? Un ordre infirmier d’envergure assure-t-il d’emblée un poids politique ? J’estime qu’il y a de la place pour des prises de position recentrées sur l’intérêt public, en guise d’exemple, Médecins québécois pour le régime public (MQRP) s’éloigne des positions corporatistes.

En dehors du réseau interne à la profession, il y a beaucoup de tribunes pour faire valoir une lecture originale des enjeux: blogues, lettre d’opinion, twitter, chambres de commerce, etc…Les regroupements de patients occupent de plus en plus l’espace public et la profession prendrait avantage à faire écho à leurs préoccupations. Les alliances stratégiques avec d’autres groupes ou professions peuvent constituer une force de frappe importante.

Il y a deux professions qui collectivement peuvent influer de façon significative sur le système de santé : les médecins et les infirmières. Les médecins possèdent notamment une autorité professionnelle indéniable confirmée par le Code des professions et par un monopole de marché concédé par le Régime d’assurance-maladie du Québec. Les infirmières sont le groupe professionnel le plus nombreux, présent dans tous les milieux avec une diversité de compétences, mais surtout, la profession a la confiance de la population avec une notoriété publique enviable. Le capital de sympathie s’avère un atout pour les jeux d’influence, mais ce n’est pas suffisant.

Le pouvoir des arguments économiques

Le contexte politique actuel au Québec où tous les programmes publics feront l’objet d’un examen s’avère une occasion pour faire valoir les solutions infirmières, notamment, dans le suivi des personnes présentant une maladie chronique et dans les soins de santé primaire. L’OIIQ et la FIQ tiennent ce discours. Pourquoi ces solutions infirmières tardent à trouver intérêt au niveau gouvernemental ?

Le nerf de la guerre demeure le mode de financement des activités cliniques au Québec qui fait en sorte qu’augmenter le nombre d’infirmières incluant les praticiennes est associé à une croissance des dépenses publiques. En effet, le partage des actes médicaux n’est jamais accompagné d’un transfert monétaire de la RAMQ aux établissements de santé qui doivent payer le salaire des infirmières mais qui n’ont pas à rémunérer les médecins. La volonté ministérielle d’introduire le financement à l’activité (forfait par diagnostic, par épisode de soins ou par procédure)en milieu hospitalier risque d’apporter des contraintes supplémentaires sur l’offre de soins infirmiers en établissant un standard de soins non-validé.

Conclusion

La profession infirmière peut-elle envisager une nouvelle posture sur la place publique ? Je rappelle que celle de victimisation est l’antithèse du leadership.Une culture professionnelle infirmière habile aux jeux de pouvoir, ouverte aux idées nouvelles et soutenue par une vision de société se consolide peu à peu.La maîtrise de l’argumentaire économique devient une qualité du leader d’aujourd’hui. De plus,les habiletés macro-politiques et médiatiques doivent maintenant être considérées comme des compétences professionnelles essentielles à l’émergence de leaders.

Back to Top